Qu‘est-ce qu’un différé de jouissance
Définition
Le principe
Classiquement, lors de la signature d’un acte de vente définitif interviennent plusieurs évènements :
- l’acquéreur paie le prix de vente convenu dans l’avant-contrat qu’il a signé,
- la propriété du bien vendu est transférée du vendeur à l’acquéreur,
- le vendeur remet le bien objet de la transaction entre les mains de l’acquéreur.
S’agissant d’un bien immobilier de type maison ou appartement, la remise de l’objet est symbolisée par la remise des clés. Pour un terrain, ce peut être, par exemple, la remise de la clé du portail ou rien du tout, si celui-ci n’est pas clos.
Dès lors que la propriété est transférée et que le bien est remis à l’acquéreur, celui-ci dispose immédiatement du droit de disposer du bien immobilier comme bon lui semble et en devient légalement responsable.
Or, dans le cadre d’un différé de jouissance, si l’acquéreur devient bien le seul et unique propriétaire du simple fait de la signature de l’acte de vente, sa faculté de jouir et d’user de son bien ne lui est pas immédiatement transférée. Elle est conservée par le vendeur, par la volonté de l’acquéreur pendant un certain laps de temps.
Exemple concret
Imaginons que sur le terrain que vous vendez il y ait un vieil hangar dans lequel vous faites hiverner votre caravane. La signature de l’acte authentique de vente de ce terrain est prévue fin mai, mais pour des questions de logistique vous souhaiteriez ne pas avoir à déplacer votre caravane avant votre départ en congés en juillet.
Vous vous dites que le plus simple serait que l’acquéreur accepte de décaler la date de réitération de la promesse de vente à juillet mais alors problème : vous ne pourriez pas profiter de l’argent fruit de la vente pour vous acheter un nouveau véhicule avant votre départ en vacances.
Dans ce cas, il n’existe qu’une seule solution pour concilier vos deux impératifs que sont vous acheter une nouvelle voiture et continuer à parquer votre caravane dans le vieil hangar : demander à l’acquéreur un différé de jouissance.
Cet exemple vaut aussi dans le cas de la vente de votre résidence principale en qualité de terrain à bâtir à un promoteur, comme expliqué dans cet article.
La mise en place d’un différé de jouissance en pratique
Dans l’idéal, si vous entendez solliciter auprès de l’acquéreur un différé de jouissance, il convient d’aborder le sujet au stade de la promesse de vente. En procédant ainsi, vous aurez la garantie que, si toutes les conditions suspensives sont réalisées et que la vente peut se faire, vous serez assuré d’en bénéficier sans que le sujet puisse faire l’objet de discussion ultérieures.
Malheureusement, par méconnaissance du mécanisme ou tout simplement du fait d’imprévus de la vie, les vendeurs ne sont pas toujours en mesure de le faire.
Qu’importe, l’essentiel reste de faire la demande de différé de jouissance à l’acquéreur en amont de la signature de l’acte de vente définitif.
ATTENTION : Le différé de jouissance n’est pas encadré par la Loi, il est librement négocié entre les parties et un acquéreur n’a aucune obligation de l’accorder au vendeur. Son octroi relève de la simple bonne volonté de l’acquéreur.
Quelques précisions sur le différé de jouissance
L’équipe de jaiunterrain.fr attire votre attention sur plusieurs points :
- Le bénéficiaire d’un différé de jouissance doit avoir pleinement conscience que son maintien temporaire dans le bien vendu ne lui donne pas la qualité de locataire et qu’il est en conséquence exclu des dispositifs légaux de protection des locataires.
- Il est dans l’obligation de conserver le bien occupé (maison ou terrain) dans l’état constaté au jour de la vente définitif. Cela implique qu’il sera seul responsable des éventuelles dégradations, altérations que pourrait subir le bien vendu entre la date de la signature de l’acte de vente et la libération des lieux. Si des dégradations devaient être constatées, il pourra être contraint de les réparer ou d’indemniser l’acquéreur en conséquence.
Exemple : sur le terrain vendu dont vous avez conservé la jouissance temporaire, vous avez malencontreusement déversé une quantité importante d’hydrocarbures en faisant la vidange de votre véhicule. L’acquéreur pourra vous contraindre à financer les travaux de dépollution des sols. - En conséquence de ce qui vient d’être dit, il est recommandé au vendeur de maintenir son assurance sur le bien, s’il y en a une, pendant toute la durée de jouissance différée.
- Enfin, pas de différé de jouissance sans fixation d’une date limite de libération des lieux.
- Ni sans mesures spécifiques visant à garantir à l’acquéreur que les lieux seront bien libérés à cette date.
La mise en place du différé de jouissance
Dans les faits, une fois les parties mises d’accord sur le principe de différé de jouissance et sur ses modalités de mise en oeuvre (durée, obligations ou interdictions faites au vendeur, pénalités en cas de non libération des lieux à la date convenue, garantie, etc.), le notaire en charge de la rédaction de l’acte de vente définitif l’intègre au projet d’acte.
Parfois, lors de la vente définitive, un contrat spécifique est régularisé entre les parties : le prêt à usage.
Focus sur le prêt à usage
Le prêt d’usage est un contrat conclu à titre gratuit (donc sans contrepartie financière à la charge du vendeur qui bénéficie du différé de jouissance), généralement signé sous seing privé.
Celui-ci précise :
- la durée du prêt à usage autrement dit la durée pendant laquelle le vendeur conserve la jouissance du bien vendu,
- les interdictions qui lui sont éventuellement faites par l’acquéreur (exemple : interdiction d’effectuer des forages ou des décaissements sur le terrain, interdiction de stockage de matières polluantes, etc.),
- ses obligations, comme par exemple celle de conserver un contrat d’assurance sur le bien,
- les modalités de libération des lieux (remise des clés, information de l’acquéreur par courrier recommandé, etc.),
- les charges éventuellement supportées par le vendeur,
- le séquestre d’une partie du prix de vente, si le vendeur l’agréé,
- les pénalités dues par le vendeur en cas de non libération des lieux,
- un éventuel état des lieux.
Le mécanisme de pénalités en cas de non libération des lieux
Accepter une demande de différé de jouissance n’est pas sans risque pour un acquéreur. Sa crainte légitime est moins de voir le bien dégradé, en particulier quand il s’agit d’un terrain, que l’absence de libération des lieux dans le délai convenu.
C’est la raison pour laquelle la convention qui entérine le différé de jouissance est également assortie de pénalités de retard pour non libération des lieux. Celles-ci peuvent prendre la forme d’une astreinte journalière ou d’une somme forfaitaire acquise à l’acquéreur dès le premier jour de retard.
Là encore, leur montant et les modalités suivant lesquelles ces sommes sont exigibles sont à négocier entre les parties.
Les conséquences du différé de jouissance sur la perception du prix de vente
En garantie de la libération des lieux et donc du paiement des éventuelles pénalités de retard, l’acquéreur peut demander qu’une partie de la somme correspondant au prix de vente du bien objet du différé de jouissance soit séquestrée par le notaire.
Rien n’oblige le vendeur à l’accepter, en particulier quand il destine le fruit de la vente de son bien à l’acquisition d’une nouvelle résidence principale, par exemple.
Néanmoins, dans les faits, ce type de consignation est très fréquent. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit d’un puissant levier de négociation des conditions du différé de jouissance entre les parties.
Concrètement, comment cela se passe ?
Au jour de la signature de l’acte de vente définitif
Au jour de la vente définitive, en fonction de ce qui aura été décidé par les parties, le notaire ampute la somme totale versée par l’acquéreur d’un pourcentage. Celui-ci est alors placé sur le compte séquestre du notaire, autrement dit il est bloqué.
En conséquence, seul le solde (prix de vente – somme séquestrée en garantie) est versé au vendeur dans les 15 jours à un mois qui suivent la vente.
Si le bien est libéré dans le délai prévu
La somme placée sous séquestre est versée par le notaire au vendeur au jour où la libération des lieux est constatée.
Si le bien n’est pas libéré dans le délai prévu
Si le vendeur ne respecte pas le délai prévu pour transférer la jouissance du bien à l’acquéreur, il verra la somme séquestrée amputée de pénalités de retard, suivant les modalités qui auront été définies dans la promesse, l’acte de vente et/ou le contrat de prêt d’usage.
Le montant correspondant aux pénalités de retard dues à l’acquéreur lui sera alors reversé directement par le notaire, dans la limite des fonds disponibles.
Comment négocier et obtenir un différé de jouissance ?
La stratégie de négociation d’un différé de jouissance est à adapter en fonction de la qualité de l’acquéreur (professionnel ou particulier) et du projet de celui-ci.
Quelles sont les réserves les plus couramment mises en avant par les acquéreurs ?
Là encore, la différence d’approche entre l’acquéreur particulier et le professionnel s’explique par la nature de leur projet : le particulier réalise en règle générale une opération immobilière pour son propre bénéfice alors que le projet du professionnel est basé sur la commercialisation des lots produits sur le terrain.
Si l’acquéreur est un particulier
Un particulier, à plus forte raison s’il a déjà eu lui-même à demander un différé de jouissance à l’occasion d’un vente immobilière, sera généralement plus enclin à l’accepter. A condition bien sûr d’avoir pu anticiper la situation, que celle-ci ne mette pas en péril le projet qu’il veut réaliser sur le terrain en question et qu’il obtienne de sérieuses garanties du respect du calendrier de libération des lieux.
En effet, dans la majorité des cas, le particulier achète un terrain en vue d’y construire sa maison d’habitation, une maison qu’il destine à la location ou de la diviser en plusieurs lots dont au moins un dont il conserve la propriété. S’il acquiert le bien au moyen d’un prêt bancaire, celui-ci lui est accordé en prenant en compte ses revenus, qui sont indépendants de son projet.
Si l’acquéreur est un promoteur immobilier ou un lotisseur
Ce type de professionnel achète un foncier en vue d’y bâtir des logements (individuels ou collectifs) ou des lots à bâtir qu’il va commercialiser.
Son plan de financement est bâti au regard du chiffre d’affaire prévisionnel qu’il entend réaliser sur l’opération. S’il fallait faire un parallèle, le chiffre d’affaire du professionnel est l’équivalent des revenus du particulier.
Or, l’équilibre de son budget global et notamment de son plan de trésorerie est bâti sur la base des encaissements progressifs qu’il réalise entre l’acquisition du terrain et la livraison des lots produits et des décaissements correspondants à l’avancement des travaux. S’il ne peut disposer librement du terrain dès le lendemain de son acquisition, il ne peut pas démarrer son chantier de construction ou d’aménagement donc pas encaisser non plus de paiements de la part des acquéreurs des lots qu’il commercialise.
Entre l’absence de « revenus » et le décaissement du prix du terrain, le bilan du promoteur entre alors dans le rouge… synonyme comme pour le particulier à découvert, d’importants frais financier.
Voilà la raison pour laquelle un professionnel sera toujours très réticent à accéder à la demande de différé de jouissance d’un vendeur de terrain… sauf à ce que cette demande ait été formulée au stade de la négociation des conditions de vente et que ses conséquences aient été prises en compte dans son dossier de demande de financement bancaire.
Conseil pratiques pour négocier un différé de jouissance
Vous souhaitez profiter de bien que vous vendez pendant encore quelques semaine ou quelques mois après sa vente définitive ? Suivez les conseils de jaiunterrain.fr.
Conseil n°1 : anticiper au maximum
En posant l’octroi d’un différé de jouissance comme condition essentielle de la vente au stade de la négociation de la promesse de vente ou du compromis, vous placez l’acquéreur en situation de choisir entre :
- accéder à votre demande et signer une promesse de vente sur votre terrain, terrain qui a priori retient toute son attention,
- la rejeter et prendre le risque de voir votre terrain lui échapper au profit d’un autre acquéreur qui se montrerait plus souple.
Plus la demande de différé de jouissance intervient tôt et plus elle a de chances d’être acceptée pour la simple et bonne raison que l’acquéreur aura pu l’intégrer à son calendrier de travaux et à son plan de financement de manière indolore.
Conseil n°2 : être raisonnable sur le délai demandé pour la libération des lieux
Qu’il soit particulier ou professionnel, l’acquéreur du bien dont vous voulez conserver l’usage après la vente sera plus enclin à répondre favorablement à votre demande si il l’estime raisonnable.
Un différé de jouissance de 6 mois ne l’est clairement pas. En revanche, parler de quelques semaines à 1 ou 2 mois maximum peut s’entendre.
N’hésitez pas à partager à votre co-contractant les raisons qui vous poussent à formuler cette demande. Soyez sincère, factuel et objectif.
Dire que vous souhaitez profiter du terrain vendu pour faire hiverner votre caravane jusqu’aux congés estivaux sera mieux perçu que si vous vous contentez de dire « j’ai besoin de 4 mois de différé de jouissance parce que ça me laisse le temps de voir venir et de m’organiser ».
Conseil n°3 : proposer la régularisation d’un prêt d’usage
Montrez à l’acquéreur que vous avez étudié sérieusement le sujet en évoquant en premier votre volonté de signer une convention de prêt d’usage avec lui. Cela devrait le rassurer notamment du fait qu’en aucun cas un tel contrat ne vous confère le statut de locataire… difficile à évincer.
Conseil n°3 : l’assortir d’une pénalité de retard conséquente
Sauf à ce que pour emporter l’accord de l’acquéreur vous ayez sous-estimé la durée du différé de jouissance demande, si vous avez été raisonnable dans sa détermination, la perspective d’être redevable de pénalités de retard même importantes ne doit pas vous inquiéter. En revanche, votre effort a toutes les chances d’être bien accueilli par l’acquéreur.
Le montant des pénalités de retard est un levier de négociation puissant. Usez-en à bon escient. La bonne stratégie consiste à faire une première proposition raisonnable située dans votre fourchette basse et attendre le retour de l’acquéreur pour éventuellement revenir vers lui avec une contreproposition plus conséquente.
Exemple : Pour un terrain d’une valeur de 200 000 € avec différé de jouissance de 2 mois, proposez en première intention 30 € de pénalité journalière en cas de non libération des lieux à la date convenue. En cas de refus doublez la somme ou portez-là à une centaine d’euros.
Conseil n°4 : jouer sur le montant consigné chez le notaire
Vous sentez que votre acquéreur est sur le point d’accepter votre demande de différé de jouissance mais qu’il hésite ? Si votre situation financière vous le permet, offrez de vous-même que soit consignée sur le compte séquestre du notaire un pourcentage du prix de vente du bien vendu.
Proposer que soit mis en gage 10 à 20 % de la somme versée par l’acquéreur devrait achever de le rassurer sur votre bonne foi et votre capacité à le dédommager d’un éventuel retard dans la libération des lieux.
Conseil n°5 : en dernier lieu, demander un report de la date de réitération
Ce stratagème peut s’avérer particulièrement efficace en présence d’un acquéreur professionnel.
En effet, il faut savoir qu’au lendemain de l’acquisition d’un terrain, un promoteur est capacité d’acter les réservations de lots qu’il a dores et déjà commercialisé donc d’encaisser une infime partie de leur prix de vente (5% dans le cadre d’une VEFA). Or, plus le délai est long entre la signature d’un contrat de réservation et celle du contrat de vente, et plus le risque de voir ses clients se désengager et renoncer à leur achat est grand.
En conséquence, si toutes les conditions suspensives prévues dans la promesse de vente du terrain sont réalisées et qu’il est en capacité d’acheter, il a tout intérêt à le faire le plus rapidement possible.
Un vendeur de terrain, qu’il ait consenti une promesse unilatérale de vente ou un compromis, est engagé à vendre et n’a, en théorie, pas la possibilité de reporter la date de réitération sauf à ce que l’acquéreur en soit d’accord. Il peut en revanche prendre le risque de « faire un peu trainer les choses ».
En pratique, si l’acquéreur de votre bien refuse votre demande de différé de jouissance, proposez lui un report de la date de signature de l’acte de vente définitif. Il refuse encore ? Montrez-vous désappointé et glissez-lui négligemment qu’il serait fort dommage que vous ne puissiez pas vous rendre disponible pour le rendez-vous de signature chez le notaire.
« J’ai oublié de vous dire mais fin janvier (soit à la date limite de réitération) je serai très vraisemblablement en croisière autour du monde. Donner une procuration pour signer l’acte à ma place ? Vous n’y pensez pas ! Je suis trop curieux de voir comment se passe la signature chez le notaire ! »
Il y a fort à parier que votre interlocuteur n’apprécie que très moyennement la manœuvre et il vous opposera sans doute le fait qu’il est en capacité de vous contraindre par voie judiciaire à la vente, le tout en vous demandant des dommages et intérêts. Mais soyons clairs : pour un retard de 15 jours, la probabilité qu’il entame une procédure judiciaire est des plus faibles, mais elle existe bel et bien !
En cas de vente d’une résidence principale comme terrain à bâtir, notamment quand l’acheteur est un professionnel et que celle-ci est destinée à être démolie, négocier un différé de jouissance peut être crucial pour vous, vendeur.
Organiser un déménagement en 1 mois vous donne des sueurs froides et l’acquéreur de votre bien fait la sourde oreille à votre demande de différé de jouissance ?