Qu‘est-ce qu’une servitude ?
La servitude, aussi appelée « service foncier » est une obligation de faire ou de ne pas faire quelque chose. Elle s’impose à un terrain appelé « fond servant » au bénéfice d’un terrain appelé « fond dominant ».
Parce que cette obligation incombe à un terrain (donc une chose, et ce quel que soit son propriétaire) et non à une personne en particulier, elle est qualifiée de droit réel.
L’illustration la plus parlante de ce concept est la servitude de passage, qui est un droit de passage donné à un terrain, sur un terrain voisin. Même en cas de vente ou de succession, le propriétaire du fond servant aura l’obligation de toujours laisser la possibilité d’exercer ce droit de passage au propriétaire du fond dominant (ou à son locataire si celui-ci loue son terrain ou la maison qui est construite dessus).
Une servitude, quelle qu’elle soit, induit toujours :
- Une charge pour le fond servant qui est de laisser le propriétaire du fond dominant exercer sa servitude (charge passive),
- Une ou plusieurs obligations pour le fond dominant et son propriétaire. Ce peut être par exemple de participer aux charges et travaux d’entretien de la servitude, de ne rien faire qui puisse aggraver la charge existante pour le fond servant ou d’en indemniser le propriétaire en cas de non-respect de ces obligations.
Focus sur l’origine des servitudes
Il existe 3 origines de servitudes possibles :
- On parle d’origine naturelle quand la servitude résulte de la configuration naturelle des lieux.
Exemple : un terrain situé en contrebas doit supporter l’écoulement des eaux ruisselantes du terrain situé au-dessus du fait de la configuration naturelle des lieux. - La servitude d’origine légale est celle qui est prévue par la Loi ou le Code civil pour cause d’utilité publique ou privée.
Exemple : la servitude de passage au bénéfice d’un terrain enclavé, autrement dit d’un terrain non desservi par une voirie ouverte à la circulation publique. - La servitude qui trouve sa source dans le fait de l’homme, c’est-à-dire celle qui est créée par lui.
Exemple : la servitude créée aux termes d’une convention signée entre les propriétaires des deux fonds concernés.
La servitude : un droit perpétuel ?
Les servitudes sont en principe :
- perpétuelles, donc sans limite de validité, sauf à ce que la convention les instituant ait prévu une durée déterminée ;
- réelles, c’est-à-dire qu’elles sont attachées à une chose et non à une personne.
Cependant, il existe quelques servitudes dites personnelles, comme le droit d’usage d’un terrain au bénéfice d’une personne clairement désignée. Elles ont la particularité de disparaître au décès de celui qui en bénéficie.
En dehors de ces cas particuliers, le code civil prévoit 4 cas d’extinction de servitudes :
- En cas d’impossibilité d’en faire usage (exemple : si la commune réalise un trottoir sur le fond dominant qui rend impossible l’usage du droit de passage, la servitude s’éteint).
- Lorsqu’il y a réunion entre les mains d’un seul propriétaire des fonds servant et dominant (exemple : le propriétaire qui bénéficie du droit de passage rachète le terrain du voisin qui était à l’origine le fond servant).
- Par l’absence d’usage pendant 30 ans.
- Si le propriétaire du fond dominant renonce au bénéfice de la servitude.
Les servitudes publiques susceptibles de limiter la constructibilité d’un terrain
On parle de servitude publique lorsqu’une servitude a pour objectif :
- La conservation du patrimoine culturel ou naturel local ou national,
- La bonne utilisation de ressources telle que l’eau ou l’énergie et celle des équipements nécessaires à leur distribution (canalisations, lignes électriques),
- La défense nationale,
- Le maintien de la sécurité et de la salubrité publique.
Concrètement, ces servitudes vont se traduire le plus souvent par des interdictions ou des limitations du droit de construire. Parfois, ce ne sont que des obligations de supporter la réalisation de travaux ou l’installation d’équipements spécifiques sur un terrain.
Une commune peut constituer deux types de servitudes : des servitudes dites d’utilité publique et des servitudes dites d’urbanisme.
Ces deux types de servitudes impactent directement l’usage et l’occupation des sols, donc la constructibilité d’un terrain.
En découle, pour celui qui cherche à s’informer sur un foncier, la nécessité d’en connaître l’existence ou, au contraire, d’obtenir confirmation de leur absence.
Les servitudes d’utilité publique
La servitude d’utilité publique, mise en œuvre par les services de l’Etat et instaurée par la loi ou le règlement s’impose aux communes et autres collectivités locales en charge de l’élaboration des documents d’urbanisme. Ces documents locaux ayant pour objectif d’organiser l’occupation et l’usage des sols, en bout de chaîne, la servitude est logiquement supportée par les propriétaires des terrains concernés.
Pour le particulier propriétaire d’une parcelle frappée d’une servitude de ce type, aucune possibilité de se soustraire à ses effets. Seule consolation pour le malheureux propriétaire: il pourra généralement prétendre à une indemnité.
La liste des servitudes publiques en vigueur sur la commune où se situe le terrain étudié figure en annexe du dossier de PLU.
Elle est en règle générale complétée par un document graphique sur lequel figurent les fonds servants. A défaut de plan, le PLU intègre à minima tableau listant, pour chaque servitude, les parcelles concernées ainsi que le nom du bénéficiaire de la servitude (qui peut être soit une collectivité locale soit un concessionnaire privé, tel que Engie, ex EDF, par exemple).
Exemples de servitudes d’utilité publique
Voici une liste des servitudes d’utilité publique les plus couramment rencontrées et leurs conséquences prévisibles pour les propriétaires des terrains concernés :
- Servitude de passage de canalisations de distribution d’eau ou de gaz :
Le propriétaire du fond servant ne pourra, par exemple, pas édifier de constructions au-dessus du passage et devra éventuellement respecter un recul de X mètres de part et d’autre de l’assiette de la servitude. Pourquoi ? Pour permettre les opérations d’entretien des canalisations et éviter leur endommagement à l’occasion de divers travaux. - Servitude d’implantation de conducteurs aériens de distribution d’électricité :
Ici, le propriétaire du terrain concerné a l’obligation d’accepter que soit établi à demeure sur sa propriété un pylône servant de support aux lignes électriques. Notez que cette servitude est généralement couplée avec une servitude de surplomb. - Servitude de dégagement aéronautique :
Dans ce cas de figure, les propriétaires des fonds servants situés aux abords d’un aéroport ou d’un aérodrome devront limiter la hauteur des constructions bâties sur leurs terrains (quand bien même le règlement du PLU autoriserait une hauteur supérieure). L’objectif poursuivi ici est de ne pas autoriser la réalisation de constructions susceptibles de constituer des obstacles à la circulation aérienne. - Servitude de marchepied :
Destinée à assurer la navigation et l’entretien des voies navigables telles que les cours d’eau et les lacs publics, il s’agit d’une sorte de droit de passage particulier sur l’ensemble des terrains situés dans un périmètre de 3,25 m autour des berges de celles-ci. Les propriétaires des fonds servants ont obligation de laisser accessible et d’entretenir ce passage pour des raisons liées à la protection du patrimoine et la sécurité des personnes. - Enfin, certainement la servitude d’utilité publique la plus répandue : l’alignement.
Elle a pour objectif de fixer une nouvelle limite entre des parcelles privées et le domaine public. En conséquence, le propriétaire d’un foncier frappé d’alignement se verra contraint par le bénéficiaire de la servitude (le plus souvent la commune) de lui transférer la propriété des mètres carrés de terrain assiette de la servitude. En contrepartie, il se verra verser une indemnité.
Les servitudes publiques d’urbanisme
A la différence des servitudes d’utilité publiques, les servitudes d’urbanisme trouvent leur source non pas dans la Loi, mais dans la réglementation locale de l’urbanisme.
Pour la commune qui en a l’initiative de leur création, l’objectif poursuivi est l’aménagement équilibré et harmonieux de son territoire.
Là encore, le propriétaire foncier dont le bien est grevé d’une telle servitude n’a pas la possibilité d’y déroger. Particularité des servitudes d’urbanisme, cette fois, le propriétaire du terrain grevé ne pourra pas prétendre à une indemnisation, sauf cas particuliers laissés à l’appréciation de la personne publique à l’origine de la servitude.
Quelles sont les servitudes d’urbanisme les plus courantes et quelles en sont les conséquences, pour les propriétaires des fonds servants sur l’utilisation et l’occupation de leurs terrains ?
Exemples de servitudes publiques d’urbanisme
- Des servitudes de protection des monuments historiques comme par exemple :
- La servitude non aedificandi (soit une interdiction de construire) dans un périmètre défini autour d’un monument classé, afin d’en assurer la visibilité,
- Ou la servitude non altius tollendi qui limite la hauteur des constructions sur le fond servant afin de garantir la vue sur et depuis le monument protégé.
- La marge de recul qui figure au plan de zonage du PLU et qui interdit l’implantation de constructions nouvelles ou d’extensions dans une bande de terrain parallèle à la voie publique. L’instauration d’une telle marge de recul permet à la commune de s’assurer d’une harmonisation des constructions le long de la voie publique.
Exemple : si le PLU impose une marge de recul de 5m, cela signifie que vous ne pourrez rien construire (ni bâtiment principal, ni annexe) à l’intérieur d’une bande de 5m de largeur, comptée à partir du bord de la voirie publique.
Vous demeurerez propriétaire de cette frange de terrain mais elle devra rester libre de constructions. - L’emplacement réservé : il n’existe pas de PLU sans minimum un emplacement réservé, et autant de propriétaires fonciers concernés par cette servitude lourde de conséquences.
Focus sur les emplacements réservés
Définition
L’emplacement réservé est une surface de terrain (constitué d’une ou de plusieurs parcelles, en partie ou en totalité) que la commune destine à une occupation particulière, dans son document d’urbanisme.
Quelles peuvent être ces destinations particulières ?
Il peut s’agir d’un espace réservé pour :
- La réalisation d’une voirie nouvelle ou l’élargissement d’une voirie existante,
- La création ou l’élargissement d’un trottoir, d’une piste cyclable ou d’un chemin piétonnier,
- La construction d’équipements ou d’infrastructures publiques comme une nouvelle école, un hôpital, un stade, un parking public ou une déchetterie municipale,
- La création ou l’extension d’installations d’intérêt général, comme une aire de stationnement pour les gens du voyage, par exemple,
- La réalisation d’espaces verts ou de liaisons entre espaces verts existants (on parle alors de corridors écologiques),
- La construction d’opérations de logements sociaux.
Où trouver la liste des emplacements réservés ?
Les emplacements réservés sont matérialisés soit sur le plan de zonage du document local d’urbanisme, soit font l’objet d’un plan spécifique en annexe de celui-ci.
Chaque emplacement réservé est identifié par un chiffre ou une lettre, qui renvoie vers un tableau. Celui-ci précise la destination de l’emplacement réservé, sa superficie, les références cadastrales de la ou des parcelles concernées et éventuellement l’identité de son bénéficiaire. Ce dernier peut être une collectivité locale, un concessionnaire ou une administration.
N’hésitez pas à interroger le service de l’urbanisme de votre mairie en cas de doute sur l’interprétation du plan ou la lecture du tableau de synthèse des emplacements réservés.
Conséquences de la présence d’un emplacement réservé sur un terrain : exemples concrets
L’emplacement réservé touche votre parcelle dans sa totalité
Imaginons que tout votre terrain soit couvert par emplacement réservé pour la réalisation d’un équipement public ou d’un espace vert. Dans ce cas, il ne pourra malheureusement pas faire l’objet d’une demande de permis de construire pour la réalisation de tout autre projet que celui-là.
Cependant, si vous êtes le propriétaire d’un terrain frappé d’un emplacement réservé dans sa totalité, sachez que vous avez plusieurs possibilités :
- Soit de conserver votre bien, en espérant voir l’emplacement réservé disparaître à l’occasion d’une prochaine révision de PLU, tout en gardant en tête que cette issue est incertaine et que vous courrez le risque de vous voir éventuellement exproprié,
- Soit de le vendre au bénéficiaire de l’emplacement réservé (commune, département, Etat) en faisant usage du droit de délaissement dont vous bénéficiez. Concrètement, ce droit donne la possibilité au propriétaire du terrain concerné de mettre en demeure la collectivité de l’acquérir. A compter de cette mise en demeure, la collectivité disposera alors d’un an pour vous faire part de sa décision d’acheter ou non :
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- En cas d’accord sur le prix d’acquisition, il devra vous être payé au plus tard 2 ans à compter de la réception en mairie de cette demande ;
- Si au bout d’un an aucun accord n’a pu être trouvé, le juge de l’expropriation fixera le prix.
- Si la collectivité ne souhaite pas acheter le terrain, l’emplacement réservé devra être retiré.
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Remarque : La totalité de votre bien est concernée par un emplacement réservé pour la réalisation de logements sociaux (exemple : 100% ou 50% de logements sociaux) ?
Bonne nouvelle : vous conservez dans la majorité des cas la possibilité de conclure une vente de gré à gré avec le bailleur social de votre choix.
L’emplacement réservé ne couvre qu’une partie de votre terrain
Vous êtes propriétaire ou candidat acquéreur d’un terrain faiblement touché par un emplacement réservé. Imaginons qu’il s’agisse d’une bande de 3m sur la limite avec l’espace public, pour création d’un trottoir.
Dans cette hypothèse, vous conservez la possibilité d’utiliser et d’occuper le terrain comme bon vous semble, suivant les règles du PLU.
Votre projet de construction ou d’extension devra simplement intégrer la diminution de la superficie de la parcelle et ses nouvelles limites pour le calcul du coefficient d’emprise au sol et celui des prospects.
Remarque : La surface de terrain occupée par l’emplacement réservé devra faire l’objet d’un bornage pour pouvoir être détachée et cédée à la collectivité locale.
Pour conclure
Compte tenu des conséquences que peut avoir l’existence d’une servitude publique sur la constructibilité d’un terrain, il est essentiel pour tout propriétaire vendeur et tout candidat acquéreur d’avoir une parfaite connaissance de la situation du terrain qui l’intéresse sur ce point.
Le type de servitudes d’utilité publique instaurées est fonction de contexte particulier de chaque commune. Impossible donc d’en dresser une liste exhaustive.
Les servitudes privées
La difficulté majeure avec les servitudes privées est qu’elles ne sont pas listées dans les documents d’urbanisme, quand bien même elles auraient des conséquences majeures sur la constructibilité d’un terrain.
C’est encore trop souvent une chose que découvrent les acquéreurs chez le notaire, à l’occasion de la signature d’une promesse de vente.
Le premier réflexe à avoir, concernant les servitudes privées, est donc d’interroger le vendeur ou son mandataire.
L’idéal est d’obtenir une copie de l’acte de propriété ou du moins un extrait de celui-ci : l’état des servitudes.
Néanmoins, les propriétaires et leurs mandataires sont souvent peu enclin à communiquer copie de ces documents, soit parce qu’ils n’en disposent pas, soit par souci de confidentialité. Dès lors, comment obtenir un état des servitudes grevant un terrain, sans le concours de son propriétaire actuel ?
Muni de votre check-list terrain et notamment de ses références cadastrales, rendez-vous au service de conservation des hypothèques de votre centre des impôts fonciers.
La délivrance de l’information peut s’avérer payante (quelques dizaines d’euros) mais vous aurez la certitude d’avoir en main un état des lieux exhaustif des servitudes privées conventionnelles.
Sachez en revanche que les servitudes privées naturelles ou celles acquises par prescription trentenaire (soit par un usage continu pendant 30 ans minimum), n’ont pas vocation à faire l’objet d’une publicité foncière.
Aussi, interroger les voisins et rechercher les indices de la présence d’une servitude (chemin traversant le terrain, portail, etc…) restent une nécessité, en l’absence de réponse claire du propriétaire.