Si sur le papier, le concept d’écoquartier semble cocher toutes les cases du modèle de développement urbain de demain, il reste qu’une fois mis en œuvre, il peine parfois à remplir tous ses objectifs.
Pourquoi ? Parce que cette atteinte des objectifs suppose une adhésion des utilisateurs de ces nouvelles construction et leur pleine appropriation de ces espaces et dispositifs originaux.
Des performances environnementales à l’épreuve de l’appropriation des ouvrages par leurs utilisateurs
J’ai eu la chance de participer à une étude portant sur l’appropriation des logements de la ZAC de Bonne par leurs habitants. Corrélée au bilan des consommations énergétiques effectives de ces logements théoriquement à très haute performance énergétique, ses conclusions ont été sans appel : faute d’avoir été formés et de s’être approprié tous les dispositifs actifs comme passifs intégrés à leurs logements, les habitants ont eu des comportements à l’opposé de ce qui était attendu par les concepteurs.
Prenons un exemple concret avec la gestion du confort thermique d’hiver. A Grenoble, capitale des Alpes, les températures hivernales sont particulièrement basses. Lorsqu’on vit dans un logement isolé par l’intérieur, on a l’habitude de monter le chauffage et d’atteindre rapidement et facilement la température programmée. Or, à la ZAC de Bonne, tous les immeubles ont été pourvus d’une isolation par l’extérieur très performante… sur le papier. Le problème, c’est que leurs habitants n’avaient pas intégré le fait qu’avant d’atteindre le confort thermique espéré chez eux, il était nécessaire que les murs extérieurs de l’ouvrage aient chauffé. Une fois chauds, le besoin en chauffage serait moindre… à condition de bien intégrer le concept d’inertie… ce qu’ils n’avaient pas fait. Résultat, pendant le premier cycle de chauffe, ils ont été une majorité à investir dans des chauffages d’appoint électriques et énergivores. Leurs consommations ont explosé, les objectifs fixés par la collectivité n’ont jamais été atteints et il a fallu faire preuve de pédagogie et de patience avant de voir les usages modifiés et les objectifs de consommation énergétique atteints.
Le non-sens des écoquartiers en zone rurale
Pour schématiser, disons qu’après la mode du rond-point, il y a celle de l’écoquartier : chacun veut le sien.
Or, vous l’avez vu, un écoquartier ce n’est pas qu’un ensemble de constructions énergétiquement performantes. C’est aussi une proposition de mode de vie alternatif et durable… qui se traduit le plus souvent par l’imposition d’une règle d’urbanisme stricte : 1 place de stationnement par logement maximum.
La logique est imparable : si l’on supprime des places de stationnement, les habitants vont renoncer à faire usage de leurs véhicules personnels.
Si ce raisonnement se tient en zones urbaines denses, où l’offre en transports en commun est développée et où toutes les activités essentielles des habitants s’exercent sur un périmètre restreint, il en est différemment en zone rurale ou semi-urbaine. En effet, en zone rurale, il est rare que l’on habite, travaille, étudie, s’adonne à des loisirs et consomme dans un même secteur. Si de surcroit l’offre de modes de transports alternatifs n’est pas suffisamment développée ou adaptée, la limitation des places de stationnement affectées aux logements peut rapidement produire un effet pervers : le stationnement sauvage de véhicules sur le moindre m² d’enrobé accessible !
Besoin d’un exemple pour vous en convaincre ? Direction les bords du lac d’Annecy et son écoquartier flambant neuf nommé Vallin Fier où insuffisance des places de parking et stationnement créent régulièrement des tensions entre riverains, tout aussi régulièrement relayées par la presse locale (l’article est disponible ici).
Une adition qui peut vite devenir trop salée pour les habitants
J’ai évoqué précédemment la problématique de l’explosion de la facture énergétique provoqué par un défaut d’appropriation des dispositifs innovants mis en œuvre dans les écoquartiers. Malheureusement, l’addition qui peut parfois être lourde pour le portefeuille ne s’arrête pas là.
En effet, pour séduire les collectivités au stade de la consultation publique pour la cession des lots et répondre à leurs cahiers des charges toujours plus ambitieux, les promoteurs qui construisent dans les écoquartiers sont tentés de se tourner vers des dispositifs actifs toujours plus novateurs et couteux. Or, si être le premier à proposer un équipement particulier dans un logement ne manque pas de panache, ce sont bien souvent les habitants qui en font les frais… les frais de maintenance notamment.
Là encore, je vais m’appuyer un cas concret que je connais bien, observé sur la ZAC de Bonne à Grenoble. Au stade de l’appel d’offre, certains promoteurs s’étaient engagés à équiper leurs immeubles d’un chauffage par chaudière à cogénération, au rendement exceptionnel et au coût d’usage à priori modéré.
Problème : une fois l’immeuble livré, certains habitants ont rapidement relevé un défaut d’installation et un besoin de maintenance régulier et important.
Or, à cette époque, peu d’artisans maîtrisaient encore cette technologie. Vous voyez venir la chute ? Faute d’artisans, les délais et les coûts de maintenance ont rapidement augmenté au détriment des habitants de l’écoquartier.
Enfin, il est à noter qu’à l’achat, même en situation où les collectivités supportent leur part du surcoût, les prix de vente publics de ces logements durables sont toujours supérieurs au niveau de marché des logements neufs dits « classiques ».
Preuve qu’il reste difficile de concilier sobriété énergétique et économique s’agissant des écoquartiers.
A bon entendeur !