Acheter un terrain agricole : un rêve à portée de main
Effet collatéral de la crise sanitaire ou conséquence de la quête de sens, les terrains agricoles et maisons à la campagne n’ont jamais été aussi prisés par les particuliers.
Les récents propos de la Ministre du Logement, Emmanuelle Wargon sur la maison individuelle, la tenue de la Cop 26 et le traitement de question de l’écologie dans la pré-campagne présidentielle ont eu pour conséquence ces dernières semaines de mettre un coup de projecteur sur un concept qui n’est pas nouveau et qui reste pourtant encore méconnu : l’écoquartier.
Pour avoir co-signé plusieurs rapports sur le premier écoquartier de France labellisé il y a 10 ans, la ZAC (Zone d’Aménagement Concerté) de Bonne à Grenoble, je vous propose de faire un point sur ce qu’est un écoquartier et de vous partager ma vision sur ses mises en œuvre concrètes.
L’écoquartier est une forme d’aménagement urbain compatible avec les principes de développement durable, en ce qu’elle vise à répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs.
Pour ce faire, l’écoquartier apporte une réponse au besoin de logement, d’activité humaine et d’organisation de l’espace urbain sur des plans à la fois sociaux, économiques et environnementaux, conformément aux 3 piliers du développement durable tels que définis par la conférence de Rio de 1992.
Créer une ville qui soit économiquement efficace, socialement équitable et environnementalement soutenable : voilà l’objectif de la démarche d’écoquartier.
Si le terme d’écoquartier est entré dans le langage courant, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit à la base d’un label lancé en 2012, à l’issue du Grenelle de l’environnement.
Décerné chaque année par le ministère de la Transition Ecologique, le label d’Ecoquartier récompense les projets d’aménagement à l’aune d’un référentiel de 20 items (consultable dans son intégralité ici), organisé en 4 volets :
Depuis 10 ans que ce label existe, force est de constater qu’il est des points communs à tous les écoquartiers de France ou presque.
Aussi, s’il fallait dresser le portrait type de l’écoquartier, on retiendra qu’il s’agit d’une opération :
La création des écoquartiers a longtemps été l’apanage des collectivités mais désormais, certains particuliers, propriétaires de fonciers d’envergure particulièrement sensibles à la thématique du développement durable les imitent.
Décider et imposer la création d’un écoquartier suppose d’être propriétaire d’un foncier susceptible d’accueillir ce type d’opération et d’avoir les moyens d’imposer à des promoteurs / constructeurs la réalisation d’ouvrages répondant aux critères du label vus précédemment. C’est pourquoi ce sont les collectivités locales qui ont été à l’origine des premiers et des plus emblématiques écoquartiers de France.
La ZAC de Bonne à Grenoble, premier écoquartier labellisé de France, à vu le jour grâce à la volonté politique de la municipalité, aidée de sa société d’aménagement. Propriétaires d’une vaste emprise foncière en centre-ville (anciennement une caserne militaire), elles ont imaginé un programme et défini des objectifs retranscrits dans un cahier des charges avant de lancer une vaste consultation de promoteurs pour la cession de lots à bâtir. Les promoteurs qui ont pris part à cette consultation ont été jugés sur la base de leur offre de prix, bien sûr, mais aussi et surtout en fonction de leur programme, leur projet de construction et de ses caractéristiques notamment de performance énergétique.
Ledit cahier des charges a ensuite été annexé aux actes de vente des parcelles à bâtir et les permis de construire délivrés sur la base des dispositions du PLU et du règlement de ZAC (traduction règlementaire du fameux cahier des charges).
Est à noter que si ce premier écoquartier labellisé de France a pu voir le jour c’est aussi en raison d’un choix politique fort : celui d’un effort financier sur le prix de vente des différents lots constitutifs de la ZAC. Grâce à cela, les promoteurs n’ont pas eu à faire supporter les surcoûts liés à la performance énergétique et environnementale de leurs programmes immobiliers aux acquéreurs particuliers des logements à bâtir.
Dans mon activité de coach foncier, je constate que de plus en plus de particuliers, propriétaires de fonciers permettant la réalisation d’opérations immobilières d’envergure, me contactent avec une double demande : les accompagner dans l’organisation d’une consultation privée pour la vente de leurs biens à des promoteurs (dont le principe est expliqué ici) et dans l’intégration d’un véritable volet environnemental à leur projet.
Si la naissance d’un écoquartier labellisé d’initiative 100% privée est difficilement envisageable (notamment au regard des exigences du volet « démarche et processus » du référentiel Ecoquartier) céder son terrain (bâti ou non bâti) à un promoteur choisi sur la base d’un programme environnemental est devenue monnaie courante.
Mieux : grâce à la consultation privée, il est possible d’imposer ses propres objectifs de développement durable au promoteur auquel on va vendre son terrain.
C’est ainsi qu’il y a quelques semaines, j’ai accompagné un particulier dans l’organisation d’une consultation privée pour la cession de son bien dont le règlement imposait aux candidats acquéreurs d’intégrer à leur projet un dispositif de rafraichissement de l’air passif par géothermie.
Si sur le papier, le concept d’écoquartier semble cocher toutes les cases du modèle de développement urbain de demain, il reste qu’une fois mis en œuvre, il peine parfois à remplir tous ses objectifs.
Pourquoi ? Parce que cette atteinte des objectifs suppose une adhésion des utilisateurs de ces nouvelles construction et leur pleine appropriation de ces espaces et dispositifs originaux.
J’ai eu la chance de participer à une étude portant sur l’appropriation des logements de la ZAC de Bonne par leurs habitants. Corrélée au bilan des consommations énergétiques effectives de ces logements théoriquement à très haute performance énergétique, ses conclusions ont été sans appel : faute d’avoir été formés et de s’être approprié tous les dispositifs actifs comme passifs intégrés à leurs logements, les habitants ont eu des comportements à l’opposé de ce qui était attendu par les concepteurs.
Prenons un exemple concret avec la gestion du confort thermique d’hiver. A Grenoble, capitale des Alpes, les températures hivernales sont particulièrement basses. Lorsqu’on vit dans un logement isolé par l’intérieur, on a l’habitude de monter le chauffage et d’atteindre rapidement et facilement la température programmée. Or, à la ZAC de Bonne, tous les immeubles ont été pourvus d’une isolation par l’extérieur très performante… sur le papier. Le problème, c’est que leurs habitants n’avaient pas intégré le fait qu’avant d’atteindre le confort thermique espéré chez eux, il était nécessaire que les murs extérieurs de l’ouvrage aient chauffé. Une fois chauds, le besoin en chauffage serait moindre… à condition de bien intégrer le concept d’inertie… ce qu’ils n’avaient pas fait. Résultat, pendant le premier cycle de chauffe, ils ont été une majorité à investir dans des chauffages d’appoint électriques et énergivores. Leurs consommations ont explosé, les objectifs fixés par la collectivité n’ont jamais été atteints et il a fallu faire preuve de pédagogie et de patience avant de voir les usages modifiés et les objectifs de consommation énergétique atteints.
Pour schématiser, disons qu’après la mode du rond-point, il y a celle de l’écoquartier : chacun veut le sien.
Or, vous l’avez vu, un écoquartier ce n’est pas qu’un ensemble de constructions énergétiquement performantes. C’est aussi une proposition de mode de vie alternatif et durable… qui se traduit le plus souvent par l’imposition d’une règle d’urbanisme stricte : 1 place de stationnement par logement maximum.
La logique est imparable : si l’on supprime des places de stationnement, les habitants vont renoncer à faire usage de leurs véhicules personnels.
Si ce raisonnement se tient en zones urbaines denses, où l’offre en transports en commun est développée et où toutes les activités essentielles des habitants s’exercent sur un périmètre restreint, il en est différemment en zone rurale ou semi-urbaine. En effet, en zone rurale, il est rare que l’on habite, travaille, étudie, s’adonne à des loisirs et consomme dans un même secteur. Si de surcroit l’offre de modes de transports alternatifs n’est pas suffisamment développée ou adaptée, la limitation des places de stationnement affectées aux logements peut rapidement produire un effet pervers : le stationnement sauvage de véhicules sur le moindre m² d’enrobé accessible !
Besoin d’un exemple pour vous en convaincre ? Direction les bords du lac d’Annecy et son écoquartier flambant neuf nommé Vallin Fier où insuffisance des places de parking et stationnement créent régulièrement des tensions entre riverains, tout aussi régulièrement relayées par la presse locale (l’article est disponible ici).
J’ai évoqué précédemment la problématique de l’explosion de la facture énergétique provoqué par un défaut d’appropriation des dispositifs innovants mis en œuvre dans les écoquartiers. Malheureusement, l’addition qui peut parfois être lourde pour le portefeuille ne s’arrête pas là.
En effet, pour séduire les collectivités au stade de la consultation publique pour la cession des lots et répondre à leurs cahiers des charges toujours plus ambitieux, les promoteurs qui construisent dans les écoquartiers sont tentés de se tourner vers des dispositifs actifs toujours plus novateurs et couteux. Or, si être le premier à proposer un équipement particulier dans un logement ne manque pas de panache, ce sont bien souvent les habitants qui en font les frais… les frais de maintenance notamment.
Là encore, je vais m’appuyer un cas concret que je connais bien, observé sur la ZAC de Bonne à Grenoble. Au stade de l’appel d’offre, certains promoteurs s’étaient engagés à équiper leurs immeubles d’un chauffage par chaudière à cogénération, au rendement exceptionnel et au coût d’usage à priori modéré.
Problème : une fois l’immeuble livré, certains habitants ont rapidement relevé un défaut d’installation et un besoin de maintenance régulier et important.
Or, à cette époque, peu d’artisans maîtrisaient encore cette technologie. Vous voyez venir la chute ? Faute d’artisans, les délais et les coûts de maintenance ont rapidement augmenté au détriment des habitants de l’écoquartier.
Enfin, il est à noter qu’à l’achat, même en situation où les collectivités supportent leur part du surcoût, les prix de vente publics de ces logements durables sont toujours supérieurs au niveau de marché des logements neufs dits « classiques ».
Preuve qu’il reste difficile de concilier sobriété énergétique et économique s’agissant des écoquartiers.
A bon entendeur !
Co-fondatrice de "jaiunterrain.fr"