L’absence de qualité pour agir
L’un des motifs de recours les plus couramment jugés abusifs est l’absence de qualité pour agir. Cela signifie que la personne qui dépose le recours n’a pas de lien direct avec le projet de construction et ne peut donc pas prétendre être affectée par celui-ci.
Les tribunaux exigent généralement que le requérant puisse démontrer un intérêt légitime, par exemple, s’il est propriétaire voire locataire d’un bien voisin ou s’il est directement impacté par le projet.
Illustrations concrètes tirées de la jurisprudence :
- Un particulier a déposé un recours en annulation contre un permis de construire autorisant la construction d’une maison individuelle. Le tribunal administratif a rejeté le recours en considérant que le requérant n’avait pas qualité pour agir, car il n’était ni propriétaire d’un bien voisin, ni directement concerné par le projet (TA de Lyon, 30 juin 2015, n° 1404203).
- Une association de défense de l’environnement a déposé un recours contre un permis de construire pour un parc éolien, alors qu’elle n’était pas située dans le périmètre de l’installation. Le tribunal administratif a rejeté le recours en considérant que l’association n’avait pas qualité pour agir (TA de Grenoble, 28 février 2019, n° 1604082).
Le recours manifestement infondé
Un recours est considéré comme manifestement infondé lorsqu’il repose sur des arguments juridiques déraisonnables ou sans fondement. Les tribunaux ont tendance à rejeter rapidement ces recours afin de ne pas entraver inutilement les projets de construction.
Par ailleurs est aussi considéré comme abusif le recours considéré comme dilatoire s’il est déposé dans le seul but de retarder ou d’empêcher la réalisation du projet, sans aucun fondement légal.
Exemples :
- Un particulier a déposé un recours en annulation contre un permis de construire autorisant la construction d’une maison individuelle, en invoquant des motifs tirés du droit de l’urbanisme qui n’étaient pas fondés en droit. Le tribunal administratif a rejeté le recours en considérant que les moyens invoqués étaient manifestement infondés (TA de Marseille, 18 janvier 2016, n° 1307684).
- Le concurrent d’une entreprise de promotion immobilière a déposé un recours contre un permis de construire pour un projet de logements, en invoquant des motifs commerciaux et non pas au regard d’une violation des règles d’urbanisme. Le tribunal administratif a jugé que le recours était manifestement infondé (TA de Montpellier, 13 avril 2017, n° 1500560).
- Le tribunal administratif de Lyon a jugé abusif un recours collectif formé dans un contexte de conflit politique et surmédiatisé par les requérants, les condamnant à plus de 82.000€ de dommages et intérêts (TA Lyon, 17 novembre 2015, n°1303301.
L’usage disproportionné du droit de recours
Les tribunaux français considèrent également comme abusif l’usage disproportionné du droit de recours. Cela se produit lorsque quelqu’un dépose de multiples recours contre le même projet sans motifs valables, ce qui peut entraîner des retards considérables et des coûts supplémentaires pour les propriétaires et les promoteurs.
Exemples tirés de la jurisprudence :
- Un particulier a déposé plusieurs recours contre un projet de construction, en changeant à chaque fois de motifs, dans le but de retarder le projet. Les tribunaux ont considéré que cet usage du droit de recours était abusif et ont rejeté les recours en question (CAA de Paris, 12 avril 2018, n° 16PA04881).
- Dans une autre affaire, une association de riverains a déposé un recours contre un permis de construire pour un projet de logements, en invoquant des motifs tirés de la protection de l’environnement, alors que ces motifs étaient très faibles et ne justifiaient pas un recours. Les tribunaux ont considéré que cet usage du droit de recours était abusif et ont condamné l’association à payer les frais de procédure (TA de Grenoble, 16 janvier 2020, n° 1608076).