Acheter un terrain agricole : un rêve à portée de main
Effet collatéral de la crise sanitaire ou conséquence de la quête de sens, les terrains agricoles et maisons à la campagne n’ont jamais été aussi prisés par les particuliers.
Il y a quelques temps, en faisant un tour sur un groupe Facebook d’entraide (autre que SOS terrain), je suis tombée sur une publication qui a attirée mon attention.
Je me permets de la partager ici parce qu’elle a donné lieu à de nombreux commentaires, sur lesquels je souhaite revenir.
Petite question juridique, j’ai un immense terrain collé à ma RP qui a été apparemment vendu récemment. Un gros groupe immo va apparemment construire des logements sociaux et des parkings dessus. Le problème c’est qu’autant moi qu’une partie de mes voisins, nous allons avoir un gros vis-à-vis ainsi qu’une décote de la valeur de nos maisons. Est-ce qu’il y a quelque chose d’envisageable pour arrêter cette construction ?
Plusieurs commentaires de membres du groupe expliquaient à l’auteur de la publication comment faire un recours contre un permis de construire, à condition bien sûr qu’il ait bien été délivré en méconnaissance de la règlementation de l’urbanisme. D’autres suggéraient d’entrer en contact avec le promoteur pour lui proposer le rachat de sa maison. Jusqu’ici tout allait bien.
Malheureusement, comme souvent sur les groupes (pour connaître mon avis sur le sujet, je vous invite à découvrir mon billet d’humeur sur la question ici), bien vite, des commentaires mal avisés ont suivi dont un qui incitait au racket pur et simple du promoteur titulaire du permis. Et un autre (qui a donné lieu à une joute verbale entre son auteur et moi) qui invitait à former un recours quand bien même le permis obtenu respecterait le PLU, au motif qu’un juge administratif avait récemment annulé un permis pourtant conforme à la réglementation locale (?!).
Parce que les publications Facebook partent et que les articles restent, je vous en propose un qui fasse le point sur les différentes actions envisageables et sur celles à éviter quand on envisage de faire un recours contre un permis de construire.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, j’aimerai commencer par revenir sur quelques idées reçues qui veulent que la construction d’une opération de logements collectifs ou de tout autre type de programme immobilier d’envergure se traduit par une décote systématique de la valeur des constructions alentour ou que les promoteurs immobiliers bénéficient de passe-droits pour l’obtention de leurs permis de construire.
Je ne vais pas nier que cette décote redoutée par les propriétaires des habitations situées à proximité immédiate de l’opération à venir s’observe parfois… mais pas systématiquement. Et il est des cas où c’est tout l’inverse qui se produit.
Imaginons que vous soyez propriétaire d’une charmante maison très bien entretenue, située dans un quartier majoritairement résidentiel mais, malheureusement pour vous, bordée d’un côté par un terrain vague et par un entrepôt à l’abandon de l’autre. La réalisation d’une opération de construction sur l’un ou l’autre des terrains renforcera le caractère résidentiel et entretenu de votre quartier, quand bien même son architecture ne serait pas à votre goût. Les goûts et les couleurs…
Alors bien sûr la destination de la construction (logements en accession libre, logements 100% locatifs sociaux, résidence hotellière ou foyer social) et son implantation vont aussi entrer en ligne de compte mais cela s’apprécie au cas par cas.
Ce n’est pas parce qu’un promoteur immobilier entretien des relations professionnelles avec des élus ou parce qu’il est « gros », donc qu’il est un acteur incontournable de l’achat de terrains et la production de logements sur un secteur, qu’il peut s’affranchir des règles d’urbanisme applicables.
Au contraire ! Compte tenu des sommes investies par un promoteur pour pouvoir déposer un permis de construire (architecte, bureaux d’études, économiste, géomètre), pour sécuriser son opération, un promoteur va généralement multiplier les rendez-vous avec l’élu en charge de l’urbanisme et/ou le service urbanisme, en amont du dépôt de sa demande d’autorisation d’urbanisme. Lors de ces rendez-vous, il va présenter son projet de programme et passer en revue tous les points « sensibles » du dossier au regard du PLU pour s’assurer de ne pas se voir délivrer un refus de permis de construire.
Et quand bien même, un promoteur bénéficierait d’une certaine sympathie au sein de l’administration locale, quand bien même une mairie se risquerait à lui appliquer une certaine tolérance, il faut savoir que ce serait pour elle prendre et faire courir au constructeur le risque de voir son arrêté de permis de construire soit attaqué par un tiers soit retiré par les services du préfet, donc de l’Etat, qui ont en charge de contrôler la légalité des actes administratifs pris par les maires.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, à savoir comment faire un recours contre un permis de construire, la première chose à faire, c’est d’aller consulter le dossier de permis de construire fraîchement délivré. Pourquoi ? Pour voir s’il y a matière à attaquer.
En effet, un arrêté de permis de construire est une décision administrative prise par un maire ou un président d’intercommunalité en considération d’une seule chose : le respect de la réglementation de l’urbanisme. Mais, ce type d’autorisation est délivré sous réserve des droits des tiers.
Traduction : un projet de construction ne peut être attaqué que :
A compter du premier jour d’affichage du panneau de permis de construire sur le terrain voisin, vous avez la possibilité de faire un recours contre le permis de construire, ou plus précisément un recours en annulation de l’arrêté délivrant le permis, dans un délai de 2 mois.
Pour cela, il faut en premier lieu justifier d’un intérêt à agir et démontrer que le projet concerné méconnaît une ou plusieurs dispositions de la réglementation locale de l’urbanisme. Exemple : le projet ne respecte pas les règles relatives à l’implantation sur le domaine public ou les limites séparatives, les règles de hauteur ou de gabarit, les % de pleine terre, il ne comporte pas suffisamment de places de stationnement, les accès sont surdimensionnés, etc…
Le recours en annulation peut être gracieux (par envoi d’un simple courrier en recommandé avec accusé de réception dûment argumenté à destination du maire et lui demandant d’annuler sa délibération) ou contentieux (on parle alors de recours contre le permis de construire devant le tribunal administratif dont dépend la commune concernée).
A noter qu’il est possible de former dans un premier temps un recours gracieux (dans le délai de 2 mois à compter du premier jour d’affichage) pour ensuite saisir le tribunal administratif d’un recours contentieux contre le permis de construire. Pour cela vous disposerez d’un nouveau délai de 2 mois à compter du rejet de votre recours gracieux par le maire auquel vous l’aviez adressé.
Attention :
Votre recours contre le permis de construire devant le tribunal administratif n’a pas abouti ou n’est pas recevable car le permis de construire est conforme à la réglementation en vigueur ? Le projet de construction vous cause cependant un préjudice ? Dernière option : la saisie du juge civil.
Un permis de construire peut tout à fait être parfaitement conforme aux règles locales d’urbanisme et porter atteinte aux droits des voisins (en les privant de l’usage d’une servitude contractuelle de passage, par exemple) ou leur causer un trouble anormal de voisinage (perte d’ensoleillement, d’intimité, de vue, etc…).
Attention, si vous entendez introduire une action sur la base du trouble anormal de voisinage, ce ne sera pas le juge administratif qu’il vous faudra saisir mais le tribunal d’instance ou de grande instance. Et votre action ne sera pas dirigée à l’encontre du maire mais du ou des propriétaires de la construction à l’origine du trouble.
Bonne nouvelle question délais : vous disposez d’un délai de 5 ans à compter de l’achèvement de la construction à l’origine du trouble pour saisir le juge d’une demande de réparation (versement de dommages et intérêts) ou de démolition de la construction litigieuse.
Mais attention, qu’il s’agisse d’une perte de vue, d’intimité ou d’ensoleillement, elle devra être prouvée et importante. Ainsi, pour la perte d’ensoleillement ou d’intimité, les juges sont généralement plus enclins à accorder des indemnités plus importantes en zone pavillonnaire qu’en zone urbaine.
Dernière précision et non des moindres : cette action au civil devant la juridiction judiciaire vaut aussi à l’encontre d’un titulaire d’un permis de construire portant sur un terrain situé en lotissement qui ne respecterait pas les dispositions du règlement voire du cahier des charges de lotissement.
Face à un projet de construction fraîchement autorisé sous vos fenêtres, un recours contre le permis de construire n’est à envisager que dans l’hypothèse d’un non-respect de la réglementation locale d’urbanisme ou celle d’une atteinte à l’un de vos droits et/ou trouble anormal du voisinage.
Suivant le motif retenu pour engager une action, le tribunal compétent et les délais de prescription seront différents.
Néanmoins, que vous fassiez le choix d’intenter une action devant le tribunal administratif ou civil, justifier d’un intérêt à agir, de l’existence d’un préjudice certain, direct et déterminé ou d’une violation des règles d’urbanisme est nécessaire, sous peine de s’exposer à voir sa responsabilité engagée.
Enfin, à l’attention de ceux qui seraient tentés de former un recours à l’encontre d’un promoteur titulaire d’un permis de construire en dehors de ce cadre : si le chantage au recours a eu payé, il ne paie plus, notamment depuis l’entrée en vigueur de la Loi ALUR en 2014. Procédure devant le juge judiciaire, devant le juge administratif ou plainte au pénal : les promoteurs victimes de recours abusifs à l’encontre de leurs permis de construire ont désormais l’embarras du choix des actions à engager contre leurs auteurs.
A bon entendeur !
co-fondatrice de "jaiunterrain.fr"